25 mai 2011

Quand les parisiens convoitent la France d’en bas

PHÉNOMÈNES DE SOCIÉTÉ




A l’heure du grand n’importe quoi fashion, Paris vire de bord et renie sa propre hype.

Longtemps élitiste, le parigo-parisien se différenciait du banlieusard et du provincial par son attirance évidente pour les nouveautés souterraines, les must-have inconnus, la culture sporadique et intermittente.

Avec l’explosion d’Internet et l’accélération de la diffusion des modes et des cultures, le jeune parisien se retrouve souvent dépassé par ses frères ennemis de la grande ceinture voire même des autres régions. Souvent mal copiée, la hype parisienne devient has been. Détournée à outrance sans en comprendre la substance tant protégée par les parisiens, la hype devient un objet de consommation sans âme. Pire, le parisien se sent trahit dans sa quête effrénée pour la culture et l’élitisme. Ainsi son petit monde s’écroule et en quelques mois ses propres codes culturels ardemment travaillés ne veulent plus rien dire.

Quand les premiers slims ont envahit la scène émo parisienne début 2000, ils étaient déjà récupérés par H&M quelques années plus tard. Symbole des années 2000, on l’associe davantage à un courant populaire de la mode, qu’à une élite issue d’une sous culture rock. Bien sûr le phénomène fut repris par les ados de la demie génération suivante, copié à outrance, exagéré, épuisé, surconsommé et finalement sans aucun rapport avec ses origines underground.

Essoufflé dans sa quête du vrai, du inside, du qui-prend-aux-tripes-et-qui-vient-du-cœur, le hype ne sait plus vers quel saint se vouer. Il devait arriver un jour où la capitale arriverait au bout du bout du in. Mais alors, que se passe-t-il ? Essoufflé, à bout de course, l’arty se retourne et regarde par-dessus son épaule. Derrière la course effrénée d’improbable jeunesse qui le poursuit avec hâte, le nouvel out ressemble à l’eldorado du in. Finalement, changer de route semble la meilleure des options et l’attrait pour le mauvais goût voire le kitsch connait de nos jours ses premières heures de gloire.


A l’heure de la quête frénétique du in, le out est une mine d’or de cynisme et de second degré.

Là où il était encore mal vu de servir dans les assiettes de grand-mère, le must devient de posséder la dernière collection de vaisselle William&Kate. Qui n’a pas ri devant les blagues de Dédé ? La déco kitsch fait de l’ombre aux toyz et autres artyseries. Les véritables inners ont un renard empaillé dans leur salon. Les véritables inners, passent des disques de musique africaine désuète. Les sujets qui les passionnent, sont les télé-héros des années quatre-vingt, les festivités dans le Gers, la poterie sexuelle de mamie, et les ermites aux Etats-Unis. La nouvelle hype s’amuse des ploucs. Le sujet devient tellement intéressant qu’il finit par faire de l’ombre aux centres d’intérêts habituels.

Au niveau culturel, le cinéphile affirme sa supériorité en se narguant d’avoir vu tous les navets des années quatre-vingt-dix. Le cultissime cinéma des 50s n’impressionne plus personne. Tout le monde sait quels films ont fait l’histoire. Il n’y a donc plus aucune valeur ajoutée à se vanter de les avoir vus. En littérature, vous aurez plus de chance d’être publié si vous écrivez sur un boulanger un peu parferlu de campagne, plutôt que sur les artistes peintres du XXIème siècle.


Le plouc devient tendance, la France est encore plus chauvine et franchouillarde qu’avant. Même dans la façon de s’alimenter, les codes sont à revoir. Le bio aux oubliettes, c’est trop connoté bobo hystéro hippie. Les fast-foods et l’anti-bio, l’anti-diet, et le pro-provincial fait ses victimes dans toutes les sphères artistiques. Les vidéos américaines montrant comment faire un petit dej hyper calorique à base de Jack Daniels et de bacon sont déjà cultes. Les chaises d’école de notre enfance se débattent à prix aberrant dans les brocantes. Pour votre intérieur, pensez « tout ce qui était démodé dans mon enfance », résultat garanti.

En somme, la nouvelle élite parigo-parisienne sonne le glas de la hype à la new yorkaise. Un retour aux racines s’impose, un goût du vrai, de fromage de chèvre, et de chaussettes sales.


De la même manière qu’il est difficile d’atteindre le fin du fin de la hype sans tomber dans le lourd ou le too much, l’attrait pour le démodé s’adresse à un public averti. Point trop n’en faut, il s’agira de mêler subtilement kitsch et objets de designers, vêtements has been et dernières tendances couture, humour de la France d’en-bas sur fond de musique de clubs selects.

En fin de compte, pour pouvoir rire de la France profonde, il faut pouvoir prétendre ne pas y vivre. Il faut pouvoir affirmer, qu’on la regarde bien d’en haut. On peut alors toucher du doigt, admirer ou se moquer de ceux qui ne cherchent pas à suivre la mode. Comme des animaux de foire, des freaks modernes, le français du trou-du-cul de la France devient objet de convoitise.

Mais, là où le out devient in à part entière, l’élitiste parigo-parisien n’oubliera pas de vouer un culte pour le mépris, d’en rire jaune, de se brosser les dents, et d’admirer secrètement ceux dont il se moque gentiement.

1 commentaire:

Cindy a dit…

je kiffe !

xxx