23 juil. 2011

PUBLIC DOMAINE : TOTAL WARR + THE DEATH SET + WE HAVE BAND @ La Gaité Lyrique



Dans le cadre de la PUBLIC DOMAINE, le concert de ce soir nous emmène aux divers antipodes qui constituent la skate generation. Un shoot hyper productif, vitaminé et terriblement sexy.

Fraichement rénovée par la mairie de Paris et acclamé nouveau lieu culturel des arts numériques et des musiques actuelles, la Gaité Lyrique ouvre ses portes en mars dernier après presque vingt ans d’inactivité. Une équipe ambitieuse sélectionnée par la Ville (composée de Jérôme Delormas, Patrick Zelnik et Alain Herzog) a pour mission de propulser l’ancien théâtre en centre international des cultures indépendantes et des créations artistiques transgressant les genres, supposées être le reflet de notre société moderne et résolument digitale.

Chaque thème sortant du bouillon brainstorming de l’équipe dure 3 mois, et celui de cet été « PUBLIC DOMAINE » se tourne vers la culture skate. A l’occasion de cet événement majeur, l’hommage est rendu à ces hors-la-loi du bitume, poursuivis depuis des décennies et injustement considérés comme des voyous destructeurs de l’espace public.


Public Domaine : Skateboard Culture - Teaser from La Gaîté Lyrique on Vimeo.




Benoit Rousseau (le programmateur musical, NDLR), a dû potasser longuement pour sélectionner les musiques du milieu du skate. En existe-il seulement ? Pour répondre à cette question la Gaité Lyrique décide de devancer les journalistes et propose différentes playlists sur son blog ICI.



Les skateurs semblent des animaux fort éclectiques et ouvert à tout genre de son. La programmation se tourne donc vers des groupes récents, électroniques,  toniques, décontractés et un brin punk, hip’ et pop. Concocter une programmation musicale au moins au niveau des prétentions de l’événement n’était pas chose aisée.

Entre autres sont prévus : Dinosaur Jr, Tommy Guerrero, Mix Master Mike, Ray Barbee, McRad, Lords of The Underground, Boys Noize, Antipop Consortium, Busy P, Bad Shit, The Goatet bien sûr ce soir : We Have Band, accompagnés de The Death Set et Total Warr. La tête d’affiche du label Naïve remplacera finalement Matt&Kim. La chose surprend peu quand on sait que Patrick Zelnik n’est autre que le patron du label.

En première partie, Total Warr (FR, Hi-scores) veut plus faire l’amour que la guerre, et si possible aux animaux. Les deux amis et parisiens Guigui et Kiki (Guillaume Brouzes et Benjamin Nakache, ndlr) auraient composé leurs premiers titres de retour de Disneyland il y a un peu moins d’un an. Le propos se veut donc sympathique et animal friendly. Pour leur premier live, on peut dire qu’ils étaient bien préparés. Bosseurs acharnés les deux complices décident d’émoustiller la gazelle. Il n’y a pas de raison après tout, que le succès des groupes « girly » ne profitent qu’aux autres. Ils veulent leur part du gâteau et ont bien raison. La musique sonne chillwave, ambiante, lo-fi, et potentiellement sexy. Seul hic les deux copains sont un rien cyniques et préfèrent partir dans un second degré contrôlé. Ils veulent faire danser le cul des filles comme le zouk l’a fait pendant des années. L’écran géant sur lequel défilent des images de documentaire animalier n’est qu’un prétexte pour détendre l’atmosphère et rassurer le public de leurs intentions. Comme une big arnaque, Total Warr signe un set qui fait l’effet de la MDMA. On a envie d’aimer tout le monde parce que ça dégouline le saccharose. Sauf qu’en fait on est en train de se faire baiser. Les dauphins géants se dandinent et nous hypnotisent finalement pour nous détourner de la vraie raison de leur musique : nous embrouiller les esprits. Total Warr fait la guerre au cliché, au monde des bisounours et de la musique bien pensante. En fait non, Total Warr veut juste faire du black métal déguisé en hit de chambre. Leur premier EP « Cascades » sorti en décembre dernier est disponible chez Hi-Scores.


Leurs potes australiens de The Death Set (New Jersey, Ninja Tune) n’attendent pas la fin du concert pour monter sur scène et partager avec eux un titre. Encensés depuis leur formation en 2007 et plus encore à la sortie de leur dernier album « Michel Poiccard » sorti en 2011 chez Ninja Tune, le groupe revient pourtant de loin et en 2009 personne n’aurait parié sur leur succès. Le décès du guitariste, et compositeur (et accessoirement créateur du groupe avec Johnny Sierra) Beau Velasco fin 2009 est pourtant loin d’avoir terni les ambitions de The Death Set. Le groupe, qui n’a d’ailleurs, jamais si bien porté son nom, sort un album génial et énergique sensé rendre hommage à leur copain. Pas question de le pleurer pour autant, The Death Set ne sortira pas un album emo. En fait, c’est tout le contraire dont il s’agit, leur album est plus dynamique et puissant que jamais. Ce qui en ressort en live, est magistral. L’énergie évidente du groupe fout une sacrée claque au public encore sous endorphines total warr. Les effets s’estompent vite et c’est maintenant une foule excitée qui hurle et bouge en tentant de suivre le rythme effréné d’un Sierra hyperactif. Le mélange entre la tension et la violence du punk, mêlé à l’acidité de l’electro et au rythmé hip-hop chamboule nos codes élitistes parisiens. La substance de leur musique transpire l’urgente envie de dire fuck au monde. On devient dingue, des titres comme « Too Much Fun For Regrets » font décrocher un sourire jouissif aux plus congestionnés du public. The Death Set arrive à toucher les cordes sensibles du contrôle et de la retenue bien pensante et politiquement correcte. La noise sonne comme une révélation, un chant de clarinette aussi simple que limpide : c’est la vie qui prend le dessus sur la frustration. Le lâcher prise est total, et à la vue du chanteur, cela fonctionne aussi pour lui : Sautant à tout va, montant sur les amplis, finira sans doute à poil. Les quelques titres un peu plus mélodieux n’en sont pas pour autant mélancoliques et une fois encore on sent le parti pris de la soif de vivre, et vite. Quelques samples électro et issus du cinéma apportent profondeurs aux titres qui pourraient sembler un tantinet répétitifs. En quelques mots, une prestation expéditive, équilibrée, jubilatoire, noisy, punchy et ultra bandante. « I miss you Beau Velasco » finit de nous faire planer, c’est beau et cathédralesque, sans fioriture et encore moins pathos. On vous envie, The Death Set, d’arriver à faire de la musique aussi vivante et révoltée.


Quand We Have Band (UK, Naïve) arrive sur scène je me dis immédiatement que The Death Set aurait dû être la tête d’affiche. Certes le groupe est efficace et leurs titres sont pour ainsi dire presque tous des tubes. Mais après ces deux premiers groupes, la lassitude l’emporte. J’aurais adoré danser et chanter sur « Oh ! », mais les chansons paraissaient tout à coup insipides et sans âme. Le groupe en live n’a en plus, aucune valeur ajoutée par rapport à l’album. Aucune différence, c’est à en devenir dingue. Dede W-P a l’air complètement catatonique et défoncée au crack. Darren Bancroft semble sympathique et souriant mais ce pauvre Thomas W-P est en total flip que sa copine décroche. Les titres s’enchainent et on danse plus par habitude que par conviction majeure. Ils s’éclipsent après une heure environ et reviennent pour un rappel, et le show, même s’il reste agréable et stimulant laisse un arrière goût d’inachevé. Comme si l’énergie de The Death Set avait quelque peu discrédité la chillwave de We Have Band. Et une mayo qui ne prend pas en fin de concert, tout le monde sait que ça plombe un peu l’ambiance. Une tête d’affiche de dernière minute qui boulotte toute la bonne humeur d’un concert globalement vitaminé, il n’en fallait pas plus pour regretter Matt And Kim.

  We Have Band - Divisive by inertiapromo

Crédits photo :  Byce Ward.

Aucun commentaire: