2 janv. 2012

RERO - Graffeur geek


RERO = graffeur geek ?

RERO : Avant je faisais du graffiti, du lettrage très humanisé, j’explorais beaucoup de terrains vagues, de lieux abandonnés. Ensuite je suis revenu de Londres avec une overdose d’images et cette impression que je ne pouvais plus rien créer. La seule réponse que j’ai trouvé, c’était d’écrire juste des textes barrés mis en contexte, ce qui permettait 4 à 6 lectures différentes. Utiliser la VERDANA car elle n’a pas de connotation, et hors d’un écran, ca donnait l’impression qu’on avait imprimé le bâtiment. Quand tu vas dans les lieux abandonnés, c’est chargé d’histoire, tu as de la matière de fou, des textures, qui contrastentavec cette typo très classique.
RERO / BACKSLASH GALLERY / PARIS 2010 / STREET ART from RERO on Vimeo.


Une typo déshumanisée = rentrer dans les codes ?

RERO : Si tu fais un gros panel sur un train, le conducteur va se sentir agressé, c’est très violent. Il va tout de suite dénigrer. Si tu fais autrement, il va y avoir un instant de poésie, une légitimité et c’est ce que cherche à faire avec la VERDANA qui va être mieux comprise par le mec lambda alors que pourtant ça reste aussi très intrusif. Au début de mon projet tout le monde me disait « c’est un peu limité ton sujet, un texte barré ça va pas tenir ». Alors qu’en fait maintenant, le fait même de barrer un texte devient ma signature. 

Normalement c’est la typo qui définit le graffeur, là c’est le fait de barrer. Du VERDANA barré tout le monde peut en faire… non ?

RERO : C’est pas du RERO, c’est une fonction WORD. J’incite les gens à copier : COPY MY RIGHT, TRADE MY MARK. Comme le disait Guy Debord « le plagiat est obligatoire, le progrès l’implique. » et je suis complètement là dedans. Si tu prends une photo de mon œuvre et que tu l’exposes, c’est ton droit. Tu as pris un angle de vue de mon œuvre, et il ne faut pas se leurrer, les gens qui s’intéressent à mon travail veulent qu’il y ait ma signature, que ce soit certifié par moi. Selon moi l’idée ne peut pas être copiée. Et de plus en plus les gens achètent l’idée plus que la technique.

On touche à la propriété intellectuelle…

RERO : Plein de gens font des toiles parce qu’on sacralise le beau lin posé sur du beau bois. Moi, j’ai fait des livres sous résine qui ont choqué les gens. Transformer un livre comme un support, je m’approprie le livre que je n’ai pas écrit et je signe RERO. Et il devient mon œuvre. Je sacralise un objet courant et je me l’approprie. 


Comme les murs de la ville en somme…

RERO : Un mur blanc n’est la propriété de personne, donc pourquoi quelqu’un aurait plus de légitimité à se l’approprier qu’un autre ? Pourquoi un Space Invader est plus légitime qu’un tag tout con ?


On touche au sens du beau…

RERO : Paris est une ville un peu ménopausée parce que la Belle Epoque est passée. Il faut prendre conscience que le passé nous a laissé de très belles choses mais il ne faut pas avoir peur de transformer en prenant des risques, mettre des couches successives. Comme à l’époque pour la Tour Eiffel, ou pour Beaubourg. 





Taguer Mona Lisa, le Pont Neuf en rose ?

RERO : Ceci est surement la suite de mai 68 où on a tout cassé, mais maintenant les homosexuels veulent se marier, les graffeurs veulent exposer dans des galeries. On ne veut plus un joyeux bordel, on cherche à s’institutionnaliser, s’impliquer, s’engager et avoir l’impression qu’on interagit avec la société. L’art doit déclencher une réflexion, et n’a pas besoin de choquer.


Passer de la rue à la galerie = corruption de l’art ?

RERO : Quand t’es en milieu clos tu ne traites pas le même sujet. Les mecs acceptent de te donner un espace de liberté, c’est une chance pour un artiste. Accepter la galerie c’est accepter d’échanger avec des gens qui n’ont pas du tout les codes du street art. Après c’est clair qu’il y a de l’égo la dessous. Si t’as pas envie d’interagir avec le monde, fais tes tableaux dans ta cave et brule-les quand tu vas mourir. Un artiste a envie de partager, de donner des clés de comment se comporter dans la vie.



RERO en extérieur = RERO en intérieur ?

RERO : Je suis très attaché au travail en extérieur. C’est plus important de faire PARADIGM qui m’a couté de l’argent plutôt qu’une pièce qui sera vendue en galerie. T’es en bas du mur et là des mecs passent et disent « Ouaich ma gueule, paradigm c’est ton blaze ? Ca tue ! » Et tu leurs réponds, ben non, PARADIGM, c’est un mot : t’es peut-être codifié, tu réfléchis dans des cases, tu as trop de stéréotypes… Et là le même jour, un mec en costard cravate : « ha oui paradigme… je ne pensais pas que le graffiti pouvait avoir du sens ». Et il ne faut dénigrer ni l’un ni l’autre.


Au final, personne ne l’a lu barré…

RERO : Je pose un mot et finalement après chacun y voit se que chacun a envie d’y voir. Utiliser un mot simple permet d’ouvrir le débat. Un mot barré c’est des images, c’est une question, comme les points de suspension. Mon vocabulaire est ambigu afin d’y refléter tout notre psychisme qui en somme n’est ni noir ni blanc.


Credits :

Back Slash Gallery http://www.backslashgallery.com
[Article publié dans WAD  le 09/12/11]

Rero = graffiti/geek ?
Before I did graffiti, lettering on a human scale, I explored a lot of vacant properties, abandoned places. Then I came back from London with an image overdoes and the feeling that I couldn’t create anything again. The only answer I found was to write crossed out texts placed in context, texts that offered 4 to 6 different readings, using VERDANA as it has no connotation, and when seen outside a screen, gives the impression that we’ve printed the building.

A decontextualised typeface = entering into the code ?
If you do a huge panel on a train, the conductor will feel threatened; it’s very violent. He will immediately freak out. If you do it differently, he’ll have a poetic moment, something legitimate, and that’s what I’m trying to do with VERDANA, something that the guy can better understand. At the beginning of the project everyone said “your subject is a bit limited, crossed-out text won’t make much sense.” And now, the very act of striking through a text has become my signature.

The typeface used normally defines the graffiti artist, but here it’s the act of crossing through text. Anyone can type VERDANA with a line through it...
It’s not RERO, it’s a WORD function. I want people to copy: COPY MY RIGHT, TRADE MY MARK. Like Guy Debord said, “plagiarism is obligatory, progress demands it’, and I’m completely behind this. If you take a photo of my work and display it, that’s your right. You’ve taken a position on my work, and I can’t delude myself, the people who are interested in my work want it to have my signature, to know that it’s certified by me.

We’re touching on intellectual property...
I agree...

Like, for instance, city walls...
A white wall doesn’t belong to anyone, so why should someone have a more legitimate right to appropriate it than anyone else? Why is a SpaceInvader more legitimate than a crappy tag?

We’re hitting on the idea of beauty...
Paris as a city is stuck because the Belle Epoque is over. We need to be conscious of the fact that the past left us many beautiful things without being afraid of transforming them.

Tag Mona Lisa, paint the Pont Neuf pink?
That was the attitude after May ’68, when everything was smashed, but now homosexuals want to get married, graffiti artists want to exhibit in galleries. No one wants happy chaos anymore; everyone wants to institutionalise, to implicate themselves, to engage and to feel that they’re interacting with society. Art should create a reflection, it doesn’t need to shock.

Bringing the street into the gallery = the corruption of art?
When you’re in a closed space you don’t deal with the same subjects. People accept that they’re giving you a free space, which is an opportunity for an artist. To accept the gallery is to accept interactions with people who don’t work within the codes of street art. Of course, it’s clear that there’s ego involved. If you don’t want to interact with the world, make paintings in your cave and burn them before you die.

RERO outdoors = RERO indoors?
I’m very attached to my outdoor work. It was more important to do PARADIGM, which cost me money, than a piece that would be sold in a gallery. You’re at the bottom of the wall and some guys pass by and say “Whoa, the fuck, paradigm is your blaze? That’s killer!” And you answer, well, no, PARADIGM is a word: you could be codified, you don’t reflect enough, you’re thinking in stereotypes... And the same day, a stiff in a suit: “ha, yeah, paradigm... I never thought that graffiti could have meaning.” And you shouldn’t disparage it either.

At the end, no one reads them as being crossed out...
I place a word and at the end of the day everyone sees what they want to see. Using a simple word opens the debate. A barred word is an image.

Credits :
Back Slash Gallery
 _Slick 11
RERO



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